résolution : Entschlossenheit. (ETEM)
Entschlossenheit : (l’) ‘être-résolu’ (antonyme Unentschlossenheit : irrésolution). (ETJA)
Entschluß (der) : résolution à prendre (ou résolution prise).
§62 (EtreTemps62)-. Le pouvoir-être-tout existentiellement authentique du Dasein comme résolution devançante. EtreTemps62
Résolu, le Dasein assume authentiquement dans son existence le fait qu’il est le rien nul de sa nullité. Nous avons conçu existentialement la mort comme la possibilité – plus haut caractérisée – de l’impossibilité de l’existence, c’est-à-dire comme pure et simple nullité du Dasein. La mort n’est pas surajoutée au Dasein lors de sa « fin », mais, en tant que souci, le Dasein est le fondement jeté (c’est-à-dire nul) de sa mort. La nullité qui transit originairement l’être du Dasein se dévoile à lui-même dans l’être pour la mort authentique. C’est le devancement qui rend pour la première fois l’être-en-dette manifeste à partir du fondement de l’être total du Dasein. Le souci abrite cooriginairement en soi la mort et la dette. La résolution devançante comprend pour la première fois le pouvoir-être-en-dette authentiquement et totalement, c’est-à-dire originairement (NA: L’être-en-dette appartenant originairement à la constitution d’être du Dasein doit être soigneusement distingué du status corruptionis au sens théologique. Certes, la théologie peut trouver dans l’être-en-dette existentialement déterminé une condition ontologique de sa possibilité factice. Cependant, la dette contenue dans l’idée de ce status est un endettement factice absolument spécifique. Il a son attestation propre, qui demeure fondamentalement fermée à toute expérience philosophique. L’analyse existentiale de l’être-en-dette ne prouve rien, ni pour, ni contre la possibilité du péché. En toute rigueur, on ne peut même pas dire que l’ontologie du Dasein laisse par elle-même cette possibilité en général ouverte, dans la mesure où, en tant que questionner philosophique, elle ne « sait » fondamentalement rien du péché.). EtreTemps62
Dans son ad-vocation, l’appel de la conscience passe toute considération et tout pouvoir « mondains » du Dasein. Sans égards, il isole le Dasein sur son pouvoir-être-en-dette, qu’il lui intime d’être authentiquement. L’acuité intacte de l’isolement essentiel sur le pouvoir-être le plus propre ouvre le devancement vers la mort comme possibilité absolue. La résolution devançante prend totalement conscience du pouvoir-être-en-dette en tant qu’absolu et le plus propre. EtreTemps62
Mais le Dasein est cooriginairement dans la non-vérité. La résolution devançante lui nomme en même temps la certitude originaire de sa fermeture. Résolu en devançant, le Dasein se tient ouvert pour la perte constante, possible sur la base de son propre être, dans l’ir-résolution du On. L’ir-résolution est co-certaine en tant que possibilité constante du Dasein. La résolution translucide à elle-même comprend que l’indéterminité du pouvoir-être ne se détermine jamais que dans la décision pour ce qui est situation. Elle sait l’indéterminité qui régit un étant qui existe. Mais ce savoir, s’il veut correspondre à la résolution authentique doit lui-même jaillir d’un décider authentique. Or l’indétermination du pouvoir-être propre – bien que devenu à chaque fois certain dans la décision – ne se manifeste totalement que dans l’être pour la mort. Le devancement transporte le Dasein devant une possibilité qui est constamment certaine et qui pourtant demeure à tout instant indéterminée quant au moment où la possibilité devient impossibilité. Elle manifeste que cet étant est jeté dans l’indétermination de sa « situation-limite », en se résolvant à laquelle le Dasein conquiert son pouvoir-être-tout authentique. L’indétermination de la mort s’ouvre originairement dans l’angoisse. Mais cette angoisse originaire aspire à s’intimer la résolution. Elle débarrasse tout recouvrement de l’abandon du Dasein à lui-même. Le rien devant lequel l’angoisse transporte dévoile la nullité qui détermine le Dasein en son fondement, lequel est lui-même en tant qu’être-jeté dans la mort. EtreTemps62
(309) Notre analyse a successivement dévoilé les moments – issus de l’être pour la mort authentique en tant que possibilité la plus propre, absolue, indépassable, certaine et pourtant indéterminée – de la modalisation à laquelle la résolution tend à partir d’elle-même. Elle n’est authentiquement et totalement ce qu’elle peut être que comme résolution devançante. EtreTemps62
La résolution devançante n’est nullement un expédient, forgé pour « surmonter » la mort, elle est ce comprendre – consécutif à l’appel de la conscience – qui libère pour la mort la possibilité de s’emparer de l’existence et de dissiper radicalement tout auto-recouvrement fugace. Le vouloir-avoir-conscience déterminé comme être pour la mort ne signifie pas davantage une sécession qui fuirait le monde, mais il transporte, sans illusions, dans la résolution de l’« agir ». La résolution devançante, enfin, ne provient pas non plus d’un « idéalisme » qui survolerait l’existence et ses possibilités, mais elle jaillit de la compréhension dégrisée de possibilités fondamentales factices du Dasein. Avec l’angoisse dégrisée qui transporte devant le pouvoir-être isolé, s’accorde la joie vigoureuse de cette possibilité. En elle, le Dasein devient libre des « contingences » de cette assistance que la curiosité affairée demande avant tout aux événements du monde de lui procurer. Néanmoins, l’analyse de ces tonalités fondamentales excède les limites que son but fondamental-ontologique trace à la présente interprétation. EtreTemps62
Avec la résolution devançante, le Dasein a été rendu visible phénoménalement quant à son authenticité et totalité possibles. La situation herméneutique où nous nous trouvions auparavant (NA: Cf. supra, §45 (EtreTemps45), p. (232).), et qui demeurait insuffisante pour l’explicitation du sens d’être du souci, a obtenu maintenant l’originarité requise. Le Dasein est désormais porté originairement, c’est-(311) à-dire en son pouvoir-être-tout authentique, à la pré-acquisition ; la pré-vision directrice, l’idée d’existence, a reçu de la clarification du pouvoir-être le plus propre sa déterminité ; avec la structure d’être concrètement élaborée du Dasein, sa spécificité ontologique par rapport à tout étant sous-la-main est devenue si nette que l’anti-cipation de l’existentialité du Dasein possède une articulation suffisante pour guider avec sûreté l’élaboration conceptuelle des existentiaux. EtreTemps63
Même si la prédonation « violente » de possibilités de l’existence est méthodiquement requise, est-il possible de la soustraire à l’arbitraire ? Si l’analytique pose à son fondement, en tant que pouvoir-être existentiellement authentique, la résolution devançante à la possibilité de laquelle le Dasein con-voque lui-même, et con-voque même à partir du fond de son existence, cette possibilité est-elle donc quelconque ? La guise d’être conformément à laquelle le pouvoir-être du Dasein se rapporte à sa possibilité insigne, à la mort, est-elle fortuitement privilégiée ? L’être-au-monde a-t-il donc une instance plus haute de son pouvoir-être que sa mort ? EtreTemps63
Voilà qui peut suffire pour clarifier le sens existential de la situation herméneutique d’une analytique originaire du Dasein. Grâce au dégagement de la résolution devançante, le Dasein a été porté à la pré-acquisition du point de vue de sa totalité authentique. L’authenticité du pouvoir-être-Soi-même procure la pré-vision sur l’existentialité originaire, et celle-ci assure la formation de la conceptualité existentiale adéquate. EtreTemps63
En même temps, l’analyse de la résolution devançante nous a conduit vers le phénomène de la vérité originaire et authentique. Antérieurement, il avait été montré comment la compréhension de prime abord et le plus souvent régnante de l’être conçoit l’être au sens de l’être-sous-la-main et recouvre ainsi le phénomène originaire de la vérité (NA: Cf. supra, §44 (EtreTemps44), b, p. (219) sq.). Or s’« il » n’« y a » de l’être que pour autant que la vérité « est », et si la compréhension de l’être se modifie à chaque fois selon la modalité de la vérité, alors il faut que la vérité originaire et authentique garantisse la compréhension de l’êtrêtre du Dasein et de l’être en général. La « vérité » ontologique de l’analyse existentiale se configure sur le fondement de la vérité existentielle originaire. Celle-ci, néanmoins, n’a pas nécessairement besoin de celle-là. La vérité existentiale la plus originaire, fondamentale à laquelle aspire la problématique fondamental-ontologique – préparatoire à la question de l’êtrêtre en général – est l’ouverture du sens d’être du souci. Pour libérer ce sens, il est besoin d’une pré-élaboration intégrale de la pleine réalité structurelle du souci. EtreTemps63
L’unité des moments constitutifs du souci, c’est-à-dire de l’existentialité, de la facticité et de l’être-échu, a rendu possible la première délimitation ontologique de la totalité du tout structurel du Dasein. La structure du souci a été portée à la formule existentiale suivante : (317) être-déjà-en-avant-de-soi-dans (un monde) en tant qu’être-auprès (de l’étant faisant encontre à l’intérieur du monde). La totalité de la structure du souci ne procède nullement d’un accouplement de ces deux éléments, et pourtant elle est articulée (NA: Cf. supra, §41 (EtreTemps41), p. (191) sq.). Nous avons dû apprécier en quelle mesure ce résultat ontologique satisfaisait aux requêtes d’une interprétation originaire du Dasein (NA: Cf. supra, §45 (EtreTemps45), p. (231) sq.). Et ce qu’a établi cette méditation, c’est que ni le Dasein en son tout ni son pouvoir-être authentique n’avait encore été pris pour thème. Néanmoins, notre tentative de saisir phénoménalement le Dasein total a semblé justement échouer sur la structure du souci. Le en-avant-de-soi se donnait à nous comme un ne-pas-encore. Le en-avant-de-soi caractérisé au sens d’un excédent, cependant, s’est dévoilé à la considération authentiquement existentiale comme être pour la fin que tout Dasein est dans le fond de son être. De même, nous avons montré que le souci, dans l’appel de la conscience, con-voque le Dasein à son pouvoir-être le plus propre. La compréhension de l’ad-vocation s’est manifestée – comprise originairement – comme résolution devançante, laquelle renferme en soi un pouvoir-être-tout authentique du Dasein. La structure du souci ne parle pas contre un être-tout possible, mais elle est la condition de possibilité d’un tel pouvoir-être existentiel. Au cours de l’analyse, il est apparu clairement que dans le phénomène du souci sont ancrés les phénomènes existentiaux de la mort, de la conscience et de la dette. L’articulation de la totalité du tout structurel est devenue encore plus riche, et, du même coup, la question existentiale de l’unité de cette totalité encore plus urgente. EtreTemps64
Du reste, l’interprétation ontologique du « Je » ne saurait obtenir la solution du problème en se bornant à refuser de suivre le dire-Je quotidien : bien plutôt doit-elle pré-dessiner tout d’abord la direction dans laquelle le questionnement doit se poursuivre. Le Je désigne l’étant que l’on est en « étant-au-monde ». Mais l’être-déjà-dans-un-monde en tant qu’être-auprès-de-l’à-portée-de-la-main intramondain signifie cooriginairement un en-avant-de-soi. « Je » désigne l’étant pour lequel il y va de l’être de l’étant qu’il est. Avec le « Je », c’est le souci qui s’exprime – de prime abord et le plus souvent dans le dire-Je « fugace » de la préoccupation. Si le On-même dit le plus bruyamment et le plus fréquemment Je-Je, c’est parce que fondamentalement il n’est pas authentiquement lui-même, et qu’il se dérobe au pouvoir-être authentique. Cependant, si la constitution ontologique du Soi-même ne se laisse reconduire ni à un Moi-substance, ni à un « sujet », et si c’est à l’inverse le dire-Je-Je quotidien-fugace qui doit être compris à partir du pouvoir-être authentique, de là ne suit pas encore la thèse selon laquelle le Soi-même serait le fondement constamment sous-la-main du souci. L’ipséité ne peut être déchiffrée existentialement que sur le pouvoir-être-Soi-même authentique, c’est-à-dire sur l’authenticité de l’être du DaseDasein comme souci. C’est de celle-ci que la constance propre au Soi-même, en tant que prétendue permanence du sujet, reçoit son éclaircissement. Mais en même temps le phénomène du pouvoir-être authentique ouvre le regard au maintien du Soi-même au sens de l’avoir-conquis-sa-tenue. Le maintien du Soi-même au double sens de la solidité et de la « constance » est la contre-possibilité authentique de l’absence de maintien de l’échéance ir-résolue. Le maintien du Soi-même (autonomie) ne signifie existentialement rien d’autre que la résolution devançante. La structure ontologique de celle-ci dévoile l’existentialité de l’ipséité du Soi-même. EtreTemps64
La caractérisation de la « connexion » entre souci et ipséité n’avait pas seulement pour but la clarification du problème particulier de l’égoité, mais devait servir d’ultime préparation à la saisie phénoménale de la totalité du tout structurel du Dasein. Il est besoin de la discipline immuable du questionnement existential si nous voulons empêcher que le mode d’être du Dasein ne se pervertisse finalement, pour le regard ontologique, en un mode, fût-il tout à fait indifférent, de l’être-sous-la-main. Le Dasein devient « essentiel » dans l’existence authentique, laquelle se constitue comme résolution devançante. Ce mode de l’authenticité du souci contient le maintien de Soi-même et la totalité originaires du Dasein. C’est en un regard non dispersé, existentialement compréhensif sur elle que doit s’accomplir la libération du sens ontologique de l’être du Dasein. EtreTemps65
Le projeté du projet existential originaire de l’existence s’est dévoilé comme résolution devançante. Qu’est-ce qui rend possible cet être-tout authentique du Dasein quant à l’unité de son tout structurel articulé ? Si on la saisit de manière formellement existentiale, et sans désigner maintenant constamment sa teneur structurelle pleine, la résolution devançante est l’être pour le pouvoir-être insigne le plus propre. Or cela n’est possible qu’autant que le Dasein peut en général advenir à soi en sa possibilité la plus propre, et que, en ce se-laisser-advenir-à-soi, il soutient la possibilité comme possibilité – c’est-à-dire existe. Or le se-laisser-advenir-à-soi dans la possibilité qui soutient celle-ci est le phénomène originaire de l’avenir. Si à l’être du Dasein appartient l’être authentique ou inauthentique pour la mort, celui-ci n’est possible que comme avenant au sens qu’on vient d’indiquer, et qui reste à déterminer de plus près. L’« avenir », ici, ne désigne pas un « maintenant » qui n’est pas encore devenu « effectif » et qui ne le sera qu’un jour, mais la venue en laquelle le Dasein advient à soi en son pouvoir-être le plus propre. Le devancement rend le Dasein authentiquement avenant, de telle manière cependant que le devancement n’est lui-même possible que pour autant que le Dasein en tant qu’étant advient en général toujours déjà à soi, c’est-à-dire est en général avenant en son être. EtreTemps65
La résolution devançante comprend le Dasein en son être-en-dette essentiel. Ce comprendre signifie : assumer l’être-en-dette en existant, être en tant que fondement jeté de la nullité. Mais l’assomption de l’être-jeté signifie : être authentiquement le Dasein tel qu’il était à chaque fois déjà. L’assomption de l’être-jeté, cependant, n’est possible que dans la mesure où le Dasein avenant peut être son « comme il était déjà à chaque fois » le plus propre, (326) c’est-à-dire son « été ». C’est seulement pour autant que le Dasein est en général comme je-suis-été qu’il peut advenir de manière avenante à soi-même, en re-venant. Authentiquement avenant, le Dasein est authentiquement été. Le devancement vers la possibilité extrême et la plus propre est le re-venir compréhensif vers l’« été » le plus propre. Le Dasein ne peut être été authentiquement qu’autant qu’il est avenant. L’être-été, d’une certaine manière, jaillit de l’avenir. EtreTemps65
La résolution devançante ouvre toute situation du Là de telle manière que l’existence, en agissant, se préoccupe circon-spectivement de l’à-portée-de-la-main facticement rencontré dans le monde ambiant. L’être résolu auprès de l’à-portée-de-la-main de la situation, c’est-à-dire le laisser-faire-encontre agissant de ce qui est présent dans le monde ambiant n’est possible que dans un présentifier de cet étant. C’est seulement en tant que présent au sens du présentifier que la résolution peut être ce qu’elle est : le laisser-faire-encontre non-dissimulé de ce dont elle s’empare en agissant. EtreTemps65
Re-venant à soi de manière a-venante, la résolution se transporte dans la situation en présentifiant. L’être-été jaillit de l’avenir, de telle manière que l’avenir « été » (mieux encore : « étant-été ») dé-laisse de soi le présent. Or ce phénomène unitaire en tant qu’avenir étant-été-présentifiant, nous l’appelons la temporalité. C’est seulement dans la mesure où le Dasein est déterminé comme temporalité qu’il se rend possible à lui-même le pouvoir-être-tout authentique – plus haut caractérisé – de la résolution devançante. La temporalité se dévoile comme le sens du souci authentique. EtreTemps65
La teneur phénoménale, puisée dans la constitution d’être de la résolution devançante, de ce sens remplit la signification du terme de temporalité. L’usage terminologique de cette expression doit tout d’abord tenir éloignées toutes les significations de l’« avenir », du « passé » et du « présent » suggérées par le concept vulgaire du temps, et autant vaut des concepts d’un temps « subjectif » et « objectif », ou « immanent » et « transcendant ». Dans la mesure où le Dasein se comprend lui-même de prime abord et le plus souvent inauthentiquement, il est permis de présumer que le « temps » de la compréhension vulgaire du temps représente un phénomène certes véritable, mais second. Ce phénomène, en effet, provient de la temporalité inauthentique, qui a elle-même son origine propre. Les concepts d’« avenir », de « passé » et de « présent » ont tout d’abord pris naissance dans le comprendre inauthentique du temps. La délimitation terminologique des phénomènes originaires et (327) authentiques correspondants se trouve aux prises avec cette même difficulté qui demeure attachée à toute terminologie ontologique. Les « violences » dans ce domaine, ne sont pas de l’arbitraire, mais représentent une nécessité fondée dans la chose même. Néanmoins, pour pouvoir mettre totalement en lumière l’origine de la temporalité inauthentique à partir de la temporalité originaire et authentique, il est préalablement besoin d’une élaboration concrète du phénomène originaire, qui n’a jusqu’ici été que grossièrement caractérisé. EtreTemps65
Le souci est être pour la mort. Nous avons déterminé la résolution devançante comme l’être authentique pour la possibilité – plus haut caractérisée – de la pure et simple impossibilité du Dasein. Dans un tel être pour la mort, le Dasein existe authentiquement (et) totalement comme l’étant que, « eté dans la mort », il peut être. Il n’a pas une fin où il cesse simplement, mais il existe de manière finie. L’avenir authentique, qui temporalise (330) primairement la temporalité qui constitue le sens de la résolution devançante, se dévoile ainsi lui-même comme fini. Et pourtant, dira-t-on, est-ce que « le temps », malgré le ne-plus-être-Là de moi-même, « ne continue pas » ? Est-ce qu’une infinité de choses ne peut pas se trouver encore « dans l’avenir », advenir depuis l’avenir ? EtreTemps65
Notre prochaine tâche est, par-delà l’analyse temporelle du pouvoir-être authentique du Dasein et une caractérisation générale de la temporalité du souci, de rendre visible l’inauthenticité du Dasein en sa temporalité spécifique. La temporalité s’est tout d’abord manifestée dans la résolution devançante. Elle est le mode authentique de l’ouverture, qui le plus souvent se tient dans l’inauthenticité de l’auto-explicitation échéante du On. La caractérisation de la temporalité de l’ouverture en général conduit à la compréhension temporelle de l’être-au-monde préoccupé prochain, et, du même coup, de l’indifférence médiocre du Dasein, où l’analytique existentiale avait d’abord pris son point de départ (NA: Cf. supra, §9 (EtreTemps9), p. (43).). Le (332) mode d’être moyen du Dasein, où il se tient de prime abord et le plus souvent, nous l’avions nommé la quotidienneté. Or, grâce à la répétition de l’analyse antérieure, il faut que se dévoile le sens temporel de la quotidienneté pour que la problématique incluse dans la temporalité vienne au jour et que l’apparente « évidence » des analyses préparatoires achève de se dissiper. La temporalité, sans doute, doit se confirmer dans toutes les structures essentielles de la constitution fondamentale du Dasein. Toutefois, cette confirmation ne conduit pas pour autant à une re-traversée schématique extérieure des analyses antérieures dans l’ordre où elles ont été accomplies. Le cours de l’analyse temporelle, qui est autrement orienté, doit préciser la cohérence des considérations antérieures et en éliminer le reste de contingence ou d’apparent arbitraire. Par ailleurs, indépendamment de ces nécessités méthodiques, apparaîtront au sein du phénomène lui-même des motifs supplémentaires d’imposer une articulation nouvelle à notre analyse répétitive. EtreTemps66
Le comprendre inauthentique se temporalise comme ce s’attendre présentifiant à l’unité (339) ekstatique duquel doit nécessairement appartenir un être-été correspondant. L’ad-venir à soi authentique de la résolution devançante est en même temps un re-venir au Soi-même le plus propre, jeté dans son isolement. C’est cette ekstase qui rend possible que le Dasein, en se résolvant, assume l’étant qu’il est déjà. Dans le devancement, le Dasein se ramène et se reconduit devant le pouvoir-être le plus propre. Nous appelons l’être-été authentique la répétition. Mais le se-projeter inauthentique vers les possibilités puisées dans l’objet de préoccupation tandis que celui-ci est présentifié n’est possible qu’autant que le Dasein s’est oublié en son pouvoir-être jeté le plus propre. Un tel oubli n’est pas rien, ni seulement le défaut du souvenir, mais un mode ekstatique propre, « positif » de l’être-été. L’ekstase (échappée) de l’oubli a le caractère d’un désengagement fermé à soi-même devant l’«été » le plus propre, de telle sorte que ce désengagement devant… referme ekstatiquement le devant-quoi et, avec lui, soi-même. L’oubli comme être-été inauthentique se rapporte ainsi à l’être jeté et propre ; il est le sens temporel du mode d’être conformément auquel je suis été de prime abord et le plus souvent. Et c’est seulement sur la base de cet oubli que le présentifier qui se préoccupe et s’attend peut conserver – à savoir conserver l’étant qui n’est pas à la mesure du Dasein, mais fait encontre dans le monde ambiant. À ce conserver correspond une non-conservation, qui représente un « oubli » au sens dérivé. EtreTemps68
Facticement, le Dasein a à chaque fois son « histoire », et, s’il peut l’avoir, c’est parce que l’être de cet étant est constitué par l’historialité. Il nous faut maintenant justifier cette thèse, avec l’intention d’exposer le problème ontologique de l’histoire en tant que problème existential. L’être du Dasein a été délimité comme souci. Le souci se fonde dans la temporalité. Par suite, c’est dans l’orbe de celle-ci que nous devons nous mettre en quête d’un provenir qui détermine l’existence en tant qu’historiale. Dès lors, l’interprétation de l’historialité du Dasein se révèle n’être au fond qu’une élaboration plus concrète de la temporalité. Nous n’avions d’abord dévoilé celle-ci que par rapport à la guise de l’exister authentique, que nous caractérisions comme résolution devançante. Nous demandons maintenant : dans quelle mesure celle-ci implique-t-elle un provenir authentique du Dasein ? EtreTemps74
La résolution a été déterminée comme le se-projeter ré-ticent, prêt à l’angoisse, vers l’être-en-dette propre (NA: Cf. supra, §60 (EtreTemps60), p. (295) sq.). Elle conquiert son authenticité en tant que résolution devançante (NA: Cf. supra, §62 (EtreTemps62), p. (305)). Dans celle-ci, le Dasein se comprend de telle sorte quant à son pouvoir-être qu’il comparait devant la mort, afin d’assumer ainsi totalement l’étant qu’il est lui-même en son être-jeté. L’assomption résolue du « Là » propre factice signifie en même temps la décision pour la situation. Ce pour quoi le Dasein se décide à chaque fois facticement, l’analyse existentiale (383) est fondamentalement incapable de l’élucider, aussi bien la présente recherche n’exclut-elle pas moins de son champ le projet existential de possibilités factices de l’existence. Néanmoins, nous devons nous demander d’où en général peuvent être puisées les possibilités vers lesquelles le Dasein se projette facticement. Le se-projeter devançant vers la possibilité indépassable de l’existence, la mort, garantit seulement la totalité et l’authenticité de la résolution. Cependant, les possibilités facticement ouvertes de l’existence ne sauraient être empruntées à la mort, et cela d’autant moins que le devancement vers la possibilité ne signifie point une spéculation sur celle-ci, mais justement un retour vers le Là factice. Serait-ce alors que l’assomption de l’être-jeté du Soi-même dans son monde ouvrirait un horizon auquel l’existence arrache ses possibilités factices ? Et n’avons-nous pas dit, de surcroît, que le Dasein ne pouvait revenir en deçà de son être-jeté ? (Cf. supra, p. (284)) Mais avant de décider précipitamment si le Dasein puise ou non ses possibilités authentiques d’existence dans l’être-jeté, nous devons nous assurer du concept plein de cette déterminité fondamentale du souci. EtreTemps74
Que la résolution ait un savoir exprès de la provenance de la possibilité vers laquelle elle se projette, cela n’est pas nécessaire. En revanche, il y a bien dans la temporalité du Dasein, et en elle seulement, la possibilité de ramener expressément le pouvoir-être existential vers lequel il se projette depuis la compréhension transmise du Dasein. La résolution qui revient vers soi, qui se dé-livre, devient alors la répétition d’une possibilité transmise d’existence. La répétition est la délivrance (tradition) expresse, c’est-à-dire le retour dans des possibilités du Dasein qui a été Là. La répétition authentique d’une possibilité d’existence passée – le fait que le Dasein se choisit ses héros – se fonde existentialement dans la résolution devançante ; car c’est en elle seulement qu’est choisi le choix qui rend libre pour la poursuite du combat et pour la fidélité au répétable. Néanmoins, le se-délivrer répétitif d’une possibilité passée n’ouvre nullement le Dasein ayant été Là afin de le réaliser à nouveau. La répétition du possible n’est ni une restitution du « passé », ni une liaison après coup du (386) « présent » à ce qui est « révolu ». Jaillissant d’un se-projeter résolu, la répétition ne s’en laisse pas compter par le « passé », pour ensuite se borner à le laisser revenir en tant qu’effectivité antérieure. Bien plutôt la répétition ren-contre-t-elle la possibilité de l’existence ayant été Là. La ren-contre de la possibilité dans la décision est cependant en même temps, en tant qu’instantanée, le rappel de ce qui se déploie dans l’aujourd’hui comme « passé ». Pas plus qu’elle ne s’en remet au passé, pas plus la répétition ne vise un progrès. L’une et l’autre attitude sont indifférentes à l’existence authentique dans l’instant. EtreTemps74
Ce que nous avons jusqu’à maintenant caractérisé comme historialité d’après le provenir contenu dans la résolution devançante, nous l’appelons l’historialité authentique du Dasein. Il nous est apparu clairement, à partir des phénomènes – enracinés dans l’avenir – de la délivrance (tradition) et de la répétition, pourquoi le provenir de l’histoire authentique a (387) son poids dans l’être-été. En quelle guise cependant ce provenir comme destin doit constituer l’« enchaînement » total du Dasein depuis sa naissance jusqu’à sa mort, voilà qui ne devient que plus énigmatique. Quelles lumières le retour à la résolution peut-il nous apporter là-dessus ? Une décision ne serait-elle donc à nouveau qu’un « vécu » singulier dans la séquence de l’enchaînement total des vécus ? L’« enchaînement » du provenir authentique consisterait-il par exemple en une suite sans lacune de décisions ? À quoi cela tient-il que la question de la constitution de l’« enchaînement de la vie » ne trouve point de réponse vraiment satisfaisante ? N’est-ce point que la recherche, en fin de compte, dépend trop précipitamment de l’obtention de cette réponse, sans avoir préalablement examiné la question elle-même en sa légitimité ? En effet, de tout le cours antérieur de l’analytique existentiale, rien ne se dégage si nettement que le fait que l’ontologie du Dasein ne cesse toujours de nouveau de succomber aux séductions de la compréhension vulgaire de l’être. Or à celle-ci, il n’est possible de donner méthodiquement la réplique que si nous nous enquérons de l’origine de cette question pourtant si « évidente » de la constitution de l’enchaînement du Dasein et déterminons dans quel horizon ontologique elle se meut. EtreTemps74
La question, en effet, ne peut être : comment le Dasein obtient-il l’unité d’enchaînement permettant après coup de lier la séquence passée et actuelle des « vécus », mais : en quel mode d’être de lui-même le Dasein se perd-il de telle manière qu’il doive pour ainsi dire ne se reprendre qu’après coup à partir de la distraction et inventer pour l’ensemble ainsi réuni une unité englobante ? La perte dans le On et dans le mondo-historial s’est dévoilée antérieurement comme fuite devant la mort. Cette fuite devant… manifeste l’être pour la mort comme une déterminité fondamentale du souci. La résolution devançante porte cet être pour la mort à l’existence authentique. Or le provenir de cette résolution, autrement dit la répétition auto-délivrante de l’héritage des possibilités, a pu être interprété comme historialité authentique. Serait-ce que celle-ci contient l’être-é-tendu originaire, non perdu – et étranger à la nécessité d’un « enchaînement » – de l’existence totale ? La résolution du Soi-même contre l’in-stabilité de la distraction est en soi-même la continuité é-tendue où le Dasein en (391) tant que destin tient « inclus » dans son existence la naissance, la mort et leur « entre-deux », de telle manière qu’en une telle stabilité il est instantané pour le sens mondo-historial de ce qui lui est à chaque fois situation. Dans la répétition destinale de possibilités ayant été, le Dasein se re-porte « immédiatement », c’est-à-dire, en termes temporels, ekstatiquement, à ce qui a déjà été avant lui. Mais alors, avec cette auto-délivrance de l’héritage, la « naissance », dans le retour depuis la possibilité indépassable de la mort, est reprise dans l’existence, et cela, bien sûr, afin que celle-ci n’en accueille que plus lucidement l’être-jeté du Là propre. EtreTemps75
Mais où se fonde ce nivellement du temps du monde et ce recouvrement de la temporalité ? Réponse : dans l’être du Dasein lui-même, que nous interprétions provisoirement comme souci (NA: Cf. supra, §41 (EtreTemps41), pp. (191) sq.). Jeté-échéant, le Dasein est de prime abord et le plus souvent perdu dans ce dont il se préoccupe. Mais dans cette perte s’annonce la fuite recouvrante du Dasein devant son existence authentique, qui a été caractérisée comme résolution devançante. Dans la fuite préoccupée est impliquée la fuite devant la mort, c’est-à-dire un détournement du regard de la fin de l’être-au-monde (NA: Cf. supra, §51 (EtreTemps51), pp. (252) sq.). Ce détournement du regard de… est en lui-même un mode de l’être ekstatiquement avenant pour la fin. La temporalité inauthentique du Dasein échéant-quotidien doit nécessairement, en un tel détournement de la finitude, méconnaître l’avenance authentique et, avec elle, la temporalité en général. Et c’est même lorsque la compréhension vulgaire du Dasein est guidée par le On que la « représentation » oublieuse de soi de « l’infinité » du temps public peut pour la première fois se consolider. Le On ne meurt jamais, parce qu’il ne peut pas mourir, dans la mesure où la mort est mienne et n’est (425) existentiellement comprise de manière authentique que dans la résolution devançante. Le On, qui ne meurt jamais et mé-comprend l’être pour la fin, n’offre pas moins à la fuite devant la mort une explicitation caractéristique. Jusqu’à la fin, « on a encore le temps ». Ici s’annonce un avoir-le-temps au sens du pouvoir de le perdre « d’abord encore cela, et ensuite… ; plus que cela, et ensuite… » Ici, cependant, ce n’est nullement la finitude du temps qui est comprise : tout au contraire, la préoccupation s’applique à capturer la plus grande part possible du temps qui vient encore et qui « continue ». Le temps, du point de vue public, est quelque chose que chacun prend et peut prendre. La suite nivelée des maintenant demeure totalement méconnaissable du point de vue de sa provenance à partir de la temporalité du DaseDasein singulier dans l’être-l’un-avec-l’autre quotidien. Et du reste, comment cela affecterait-il le moins du monde « le temps » en son cours qu’un homme sous-la-main « dans le temps » vienne à ne plus exister ? Le temps suit son cours, tel qu’il « était » aussi déjà lorsqu’un homme est « entré dans la vie ». On ne connaît que le temps public, qui, nivelé, appartient à tous, autant dire à personne. EtreTemps81