Diels, H. (SZ)
Être-vrai (vérité) veut dire être-découvrant. Mais n’est-ce pas là une définition suprêmement arbitraire de la vérité ? Et même si des déterminations conceptuelles aussi violentes peuvent permettre de mettre l’idée d’accord hors circuit du concept de la vérité, ce gain douteux n’est-il pas payé du prix d’une annulation de la « bonne » vieille tradition ? Réponse : notre définition apparemment arbitraire ne contient que l’interprétation nécessaire de ce que la plus ancienne tradition de la philosophie antique a originairement pressenti, et même préphénoménologiquement compris. L’être-vrai du logos comme apophansis est l’aletheuein selon la guise de l’apophainesthai : faire voir, en le dégageant de son retrait, l’étant en son hors-retrait (être-découvert). L’aletheia, qui est identifiée par Aristote, d’après les textes cités plus haut, avec le pragma, les phainomena signifie les « choses mêmes » , ce qui se montre, l’étant dans le comment de son être-découvert. Est-ce d’autre part un hasard si, dans l’un des fragments d’Héraclite (NA: Pour l’idée de légitimation comme « identification », cf. HUSSERL, Recherches logiques, t. II-2, Recherche VI ; sur « évidence et vérité », id., § 36-39, p. 115 sq. (NT: trad. citée, p. 143 sq.) Les exposés courants de la théorie phénoménologique de la vérité se restreignent à ce que Husserl en dit dans les Prolégomènes (t. I), dont la fonction est critique, et notent le rapport de cette théorie avec la doctrine de la proposition de Bolzano ; en revanche, ils laissent de côté les interprétations phénoménologiques positives qui, quant à elles, sont radicalement différentes de celle de Bolzano. Le seul à avoir positivement reçu — bien qu’il se situât en dehors de la recherche phénoménologique — les analyses citées fut E. Lask, dont la Logik der Philosophie de 1911 est aussi fortement marquée par la VIème Recherche (« Intuitions sensible et catégoriale », p. 128 sq.) que sa Lehre vom Urteil (Doctrine du jugement) l’est par les chapitres cités sur l’évidence et la vérité. 1 Fragment 1, Diels (= 1, Diels-Kanz).), qui constituent les témoignages doctrinaux les plus anciens de la philosophie qui traitent expressément du logos, perce le phénomène de la vérité au sens d’être-découvert (hors-retrait) que nous venons de dégager ? Au logos et à celui qui le dit et le comprend, sont opposés les hommes sans entente. Le logos est phrazon hokos echei, il dit comment l’étant se comporte. Aux hommes sans entente, au contraire, échappe (lanthanei), demeure retiré ce qu’ils font : epilanthanontai, ils oublient, autrement dit cela sombre à nouveau pour eux dans le retrait. Ainsi, au logos, appartient le hors-retrait, aletheia. La traduction par le mot « vérité », pour ne rien dire des déterminations conceptuelles théoriques de cette expression, recouvre le sens de ce que les Grecs placèrent « tout naturellement » en fait de précompréhension préphilosophique à la base de l’usage terminologique d’aletheia. (EtreTemps44)
Comme première tentative d’interprétation du temps chronologique et du « nombre historique », cf. la leçon fribourgeoise d’habilitation de l’auteur (semestre d’été 1915) sur « Le concept de temps dans la science historique », 1916 (maintenant dans la G.A., t. I (N.d.T.)). Les rapports existant entre nombre historique, temps du monde astronomiquement calculé et historialité du Dasein exigeraient une recherche approfondie. — Cf. en outre G. SIMMEL, Das Problem der historischen Zeit (Le problème du temps historique), dans les « Philos. Vorträge veröffentl. von der Kantgesellschaft », n° 12, 1916. — Les deux oeuvres fondamentales au sujet de la formation de la chronologie historique sont : J.J. SCALIGER, De emendatione temporum, 1583, et D. PETAU, S.J., Opus de doctrina temporum, 1627. — Sur le comput antique du temps, v. G. BILFINGER, Die antiken Stundenangaben (Les indications antiques de l’heure), 1888 ; Der bürgerliche Tag, Untersuchungen über den Beginn des Kalendartages im klassischen Altertum und im christlichen Mittelalter (La journée civile, Recherches sur les débuts du jour calendaire dans l’antiquité classique et au moyen age chrétien), 1888. — H. DIELS, Antike Technik, 2ème éd., 1920, p. 155-232, sur l’horloge antique. — Enfin, au sujet de la chronologie récente, FR. RUEHL, Chronologie des Mittelalters und der Neuzeit (Chronologie du moyen âge et des temps modernes), 1897. (EtreTemps80)