appel du souci

L’interprétation existentiale est nécessairement éloignée de l’entente ontique quotidienne (alltäglich), quand bien même elle dégage les fondements ontologiques de ce que l’explicitation vulgaire de la conscience (Gewissen), dans certaines limites, a toujours compris et, en tant que « théorie » de la conscience (Gewissen), porté à un concept. Aussi l’interprétation existentiale a-t-elle besoin d’une confirmation par une critique de l’explicitation vulgaire de la conscience (Gewissen). À partir du phénomène une fois dégagé peut être fixée la mesure en laquelle il atteste un pouvoir-être authentique du Dasein. À l’appel de la conscience (Gewissen) appartient un entendre possible. La compréhension de l’ad-vocation (An-ruf) se dévoile comme vouloir-avoir-conscience (Gewissen). (270) Mais, dans ce phénomène est contenu le choisir existentiel – que nous cherchons – du choix d’un être-Soi-même, choisir que nous appelons, conformément à sa structure existentiale, la résolution. Du coup, le plan des analyses de ce chapitre nous est prédonné : les fondements ontologico-existentiaux de la conscience (Gewissen) (§55 (EtreTemps55)) ; le caractère d’appel de la conscience (Gewissen) (§56 (EtreTemps56)) ; la conscience (Gewissen) comme appel du souci (§57 (EtreTemps57)) ; compréhension de l’ad-vocation (An-ruf) et dette (§58 (EtreTemps58)) ; l’interprétation existentiale de la conscience (Gewissen) et l’explicitation vulgaire de la conscience (Gewissen) (§59 (EtreTemps59)) ; la structure existentiale du pouvoir-être authentique attesté dans la conscience (Gewissen) (§60 (EtreTemps60)). EtreTemps54

§57 (EtreTemps57)-. La conscience (Gewissen) comme appel du souci. EtreTemps57

La proposition : le Dasein est l’appelant et l’ad-voqué tout à la fois, a désormais perdu son vide et son « évidence » formels. La conscience (Gewissen) se manifeste comme appel du souci : l’appelant est le Dasein, s’angoissant dans l’être-jeté (être-déjà-dans…) pour son pouvoir-être. L’ad-voqué est ce même Dasein, con-voqué à son pouvoir-être le plus propre (en-avant-de-soi). Et le Dasein est convoqué par l’ad-vocation (An-ruf) hors de l’échéance dans le On (das Man) (être-déjà-auprès-du-monde de la préoccupation (Besorgen)). L’appel de la conscience (Gewissen), c’est-à-dire celle-ci même, tient sa possibilité ontologique de ce que le Dasein est au fond de son être souci. (278) EtreTemps57

Néanmoins, on ne manquera pas d’opposer à notre interprétation de la conscience (Gewissen) (279) comme appel du souci la contre-question suivante : une interprétation de la conscience (Gewissen) qui s’éloigne à tel point de l’« expérience naturelle » peut-elle encore être probante ? Comment la conscience (Gewissen) pourrait-elle fonctionner comme con-vocatrice au pouvoir-être le plus propre alors que, de prime abord et le plus souvent, elle se borne à réprimander et à avertir ? La conscience (Gewissen) parle-t-elle avec cette indétermination vide d’un pouvoir-être authentique, et non pas bien plutôt, de façon précise et concrète, des fautes et des omissions que nous avons commises ou allons commettre ? L’ad-vocation (An-ruf) par nous affirmée provient-elle de la « mauvaise » conscience (Gewissen), ou de la « bonne » ? La conscience (Gewissen) livre-t-elle en général quelque chose de positif, ou ne fonctionne-t-elle pas plutôt de manière simplement critique ? EtreTemps57

L’appel est appel du souci. L’être-en-dette constitue l’être que nous appelons souci. Dans l’étrang(èr)eté, le Dasein se rassemble originairement avec lui-même. Elle transporte cet (287) étant devant sa nullité (Nichtigkeit) non-dissimulée, laquelle appartient à la possibilité de son pouvoir-être le plus propre. Dans la mesureil y va pour le Dasein – comme souci – de son être, il se convoque lui-même – en tant que On factice-écheant – à son pouvoir-être depuis l’étrang(èr)eté. L’appel est rappel qui pro-voque ; qui pro-voque : à la possibilité d’assumer soi-même en existant l’étant jeté qu’il est ; il est rappel : à l’être-jeté, afin de comprendre celui-ci comme le fondement nul qu’il a à assumer dans l’existence. Le rappel pro-vocant de la conscience (Gewissen) donne au Dasein à comprendre qu’il doit – à titre de fondement nul de son projet nul se tenant dans la possibilité de son être – se ramener de la perte dans le On (das Man) vers lui-même, autrement dit qu’il est en-dette. EtreTemps58

La conscience (Gewissen) est l’appel du souci, venu de l’étrang(èr)eté de l’être-au-monde (In-der-Welt-sein), qui con-voque le Dasein à son pouvoir-être-en-dette le plus propre. Le comprendre correspondant de l’ad-vocation (An-ruf) est, ainsi qu’on l’a établi, le vouloir-avoir-conscience (Gewissen). Il est exclu de mettre sans autre forme de procès l’une et l’autre de ces déterminations en harmonie avec l’explicitation vulgaire de la conscience (Gewissen). Bien plutôt semblent-elles y contredire directement. Nous qualifions l’explicitation de la conscience (Gewissen) de vulgaire, parce qu’elle s’en tient, en caractérisant le phénomène et en assignant sa « fonction », à ce que l’on connaît au titre de conscience (Gewissen), à la manière dont on la suit ou ne la suit pas. EtreTemps5